La pluie tombe. Brutale. Généreuse. Elle frappe le sol de Sotouboua comme une bénédiction liquide, enveloppant la ville d’un voile d’eau translucide. Le ciel, gris-anthracite, crache ses torrents sans répit. Les toits de tôle ondulée vibrent sous l’assaut des gouttes. Un hymne primal.
Le vent se mêle à la danse. Fort, mais sage. Il arrache les feuilles mortes, plie les branches des manguiers, mais épargne les toitures. Son souffle frais mord les visages, chasse les rires, disperse les préparatifs de fête. Sur les chemins, les habitants reculent, courbés, vers leurs cases. La terre a soif. Elle boit goulûment, transformant les ruelles en ruisseaux éphémères.
La rue principale est fantôme. Plus de marchands ambulants. Plus de motos zigzaguantes. Plus de chèvres effrontées. Seule l’eau règne, cascadant des gouttières crevées, charriant des brindilles, des pétales de flamboyants. Un calme sacré s’installe, troublé seulement par le crépitement infini de l’averse.
À l’horizon, les collines verdoyantes disparaissent derrière un rideau de brume. Les champs de manioc, les maïs encore jeunes, s’abreuvent avec gratitude. Pour les travailleurs, murmure la pluie. Pour ceux qui suent, qui sèment, qui luttent.Ce 1ᵉʳ mai, aucun drapeau ne flotte ce matin. Aucun chant ne s’élève. La nature seule célèbre l’effort des hommes, lavant la poussière des fatigues passées.
7h43. Le jour se lève à peine, timide. Les gouttières grondent. Quelque part, un enfant rit derrière une porte close. La ville retient son souffle, sanctuaire éphémère. La pluie, encore, tombe. Et dans son déluge, Sotouboua se souvient : « parfois, le progrès naît du silence ». Â
Le Sage Aristide